Le "DANTON" est un cuirassé de 18 400 t, type semi-dreadnought, construit à Brest (début des travaux 1906 / fin des travaux 1909). Le lancement eut lieu le 19 mars 1909.
En avril 1911, il est armé définitivement à Brest et le 1er août 1911, il est affecté à la 1ère Escadre, dont il devient le navire amiral jusqu'en novembre 1912. Il dispose de de 4 canons de 305 et de 12 canons de 240.
En 1912, le bâtiment effectue des sorties courantes le long des côtes de Provence et de la Corse. En mai/juin 1913, il participe aux grandes manoeuvres en Provence et en Tunisie. Entre le 20 octobre et le 20 décembre 1913, le DANTON est en croisière au Levant avec l'escadre. Il se rend en Égypte, en Syrie puis en Grèce. En mai 1914, il participe à de grandes manoeuvres en Corse, en Algérie puis en Tunisie.
Le 3 août 1914, la France entre en guerre avec l'Allemagne. L'Armée Navale est concentrée à Toulon. La première mission consiste à assurer la couverture du transport du 19ème Corps d'armée d'Afrique du Nord en métropole. Le DANTON appareille de Toulon le 3 août avec la 1ère Escadre et se dirige vers Philippeville (Algérie). Ce port est bombardé le matin du 4 par le croiseur léger allemand "Breslau" alors que le croiseur de bataille "Goeben" bombarde Bône. La priorité étant la protection des convois de troupes vers la métropole, les escadres françaises se concentrent au large d'Alger alors que les bâtiments allemands gagnent la Turquie.
Puis, il effectue une croisière entre la Sicile et la Tunisie pour empêcher les croiseurs allemands de passer vers l'ouest. Le 16 août 1914, le bâtiment fait une incursion en Adriatique. Le croiseur autrichien "Zenta" est coulé. Le DANTON fait des patrouilles dans les îles Ioniennes, de nombreux raids en Adriatique et des escales à Malte et à Bizerte.
Le 21 décembre 1914, lors d’une tentative d’incursion en Adriatique, à la hauteur de Brindisi et à mi-distance entre les côtes italiennes et albanaises, le DANTON évite une torpille qui passe entre lui et le "Jean Bart" qui venait d’être touché par une première torpille à 8h20, tirée par le sous-marin austro-hongrois KuK U 12 (commandé par le LSL Egon Lerch).
De décembre 1914 à mai 1915, il participe au blocus à distance de l'Adriatique.
Fin 1915, le navire fait les mêmes patrouilles, puis des escales à Malte et à Bizerte. Le 15 avril 1916, le DANTON et le DIDEROT passent à la 2ème escadre dont ils constituent la 1ère division avec le VERGNIAUD. En décembre 1916, il est en refonte complète à Toulon.
Le 18 mars 1917, à 17h30, le DANTON, quitte Toulon, commandé par le CV Delage, pour rejoindre l'armée navale à Corfou dans l'ouest de la Grèce et se joindre au blocus du canal d'Otrante il y avait à bord 1 102 hommes dont 155 permissionnaires de l'Armée navale. Il était escorté par un seul torpilleur, le "Massue".
sous marin allemand
contre-torpilleur "Massue"
Tout le monde eut alors l’impression que le bâtiment tiendrait ainsi. Le Commandant DELAGE avait demandé si tout allait bien dans les machines et il lui avait été répondu affirmativement. Au Commandant en second qui lui rendait compte d’une première visite, il dit qu’il ne pensait pas qu’il y eut danger immédiat.
Le commandant vint sur la droite pour essayer d’atteindre Bizerte.
Après une seconde inspection au centre et à l’avant, le CF JURAMY fit un nouveau rapport dans lequel il manifesta ses craintes. A ce moment, les hommes remontaient du poste central, les communications étaient interrompues avec la machine. La commande électrique de la barre ne fonctionnait plus.
Le Commandant donna l’ordre de mettre les embarcations à la mer. Cependant, il n’avait pas perdu tout espoir. Il avait donné l’ordre de fermer les sabords de la batterie de 75. Le maître de timonerie se rendit au compartiment de la barre pour faire actionner la roue à bras.Des efforts avaient été faits pour combattre les effets des voies d’eau. Le maître mécanicien LE VERGOZ (disparu) attaché au service de sécurité s’occupa des portes étanches et des soupapes de drains
Il fut impossible de débarquer les embarcations, les convertisseurs des grues étant hors de service comme la plupart des appareils électriques. Il en fut de même de ceux des radeaux qui étaient au centre du bâtiment. Ceux qui se trouvaient sur les tourelles et sur les plages furent jetés à la mer. Les officiers chargés de faire mettre à l’eau embarcations et radeaux firent jeter ensuite à la mer le bois qui se trouvait sur le pont, buts de tirs, planches à charbon, avirons, etc.
Les témoignages recueillis sont trop peu précis pour suivre les progrès de la bande avec quelque certitude. Ils permettent seulement de dire que son accroissement a été lent au début pendant une dizaine de minutes, qu’il y avait 20 à 25° au bout de 15 à 20 minutes et qu’un peu plus tard le mouvement de rotation s’est continué d’une façon lente et continue jusqu’aux environs de 90°, pour se terminer par le retournement brusque. S’il a été possible de faire cette reconstitution approximative, on ne put se rendre compte au moment du torpillage de l’importance des avaries. Tout d’abord, l’immobilisation du navire sous une inclinaison qui ne paraissait pas compromettante donna l’illusion que les blessures du bâtiment n’étaient pas mortelles mais, au bout de dix minutes, la bande commença à s’accentuer.
La bande était alors très forte, on marchait difficilement sur le pont. Le Commandant donna l’ordre de faire évacuer le bâtiment. Entre temps, les fonds avaient été évacués, tout le personnel monta avant le chavirement. On se massait à tribord arrière, les hommes franchissant les rambardes pour passer sur la coque au fur et à mesure que l’inclinaison du navire s’accentuait. Le dernier ordre du Commandant qui se tenait cramponné sur la passerelle fut de faire presser l’évacuation. Chacun quitta le bord en se mettant à l’eau, soit par l’arrière, soit par les flancs,en se laissant glisser le long du bord. Les derniers franchirent la quille à roulis et marchèrent sur le fond du navire pour se mettre à la mer de l’autre bord.Il ne restait plus qu’à recueillir les naufragés qui se trouvaient sur une douzaine de radeaux, une baleinière (l’autre avait chaviré), une vedette (projetée à la mer), et surtout accrochés aux nombreuses épaves.
Lentement d’abord, puis rapidement, et le bâtiment chavira au bout de 30 à 35 minutes. Le Danton mit 45 minutes à sombrer.
Le "Massue "s’employa circulant au milieu des épaves pour recueillir d’abord de préférence les isolés. Il prit ainsi près de 500 hommes en deux heures. A ce moment, le chalutier "Louise Marguerite" qui avait perçu les appels d’alarme, arrivait sur les lieux. Le Massue surchargé, lui laissa ses embarcations pour concourir au sauvetage et fit route sur le port le plus proche. Rencontrant à quelques milles le chalutier "Chauveau" qui lui n’avait pas reçu les appels, le Commandant du Massue l’envoya aussi sur les lieux du naufrage. Il y arriva vers 17h. Le "Louise Marguerite" s’éloigna avec 315 naufragés recueillis en majeure partie sur les radeaux et laissa au Chauveau le soin d’achever le sauvetage. Parcourant jusqu’à la nuit et faisant explorer par les embarcations le champ d’épaves, ce chalutier recueillit environ 15 hommes dont deux ne purent être rappelés à la vie. Le "Massue" fit route sur Cagliari où il arriva à 23 h. Le "Louise Marguerite" se dirigea sur Ajaccio qu’il atteignit le 20 à 19 h. Le "Chauveau" passa ses naufragés sur le Lahire qui les porta à Toulon et continua sa croisière. 806 hommes furent ainsi sauvés et nombre des disparus s’élèvait à 296 (ou 302).
Le Commandant DELAGE, est resté cramponné à sa passerelle jusqu’au bout et la plupart des officiers et officiers-mariniers ont péri. Sauf 2 soutiers qui n‘ont pu évacuer leur chaufferie, tout le monde est monté sur le pont avant le chavirement et le plus grand nombre a succombé à la congestion ou bien à la fatigue en attendant l’arrivée des secours. Beaucoup d’hommes s'étaient blessés sur la quille à roulis. Un certain nombre de naufragés n’ont pu être ramenés à la vie qu’avec des soins énergiques; plusieurs ont succombé après avoir été recueillis.
Sur le quai de Cagliari, le Consul de France était là avec toutes les autorités italiennes. Les tramways, les autos, des civières, attendaient les naufragés pour les transporter à la caserne ou dans les hôpitaux. Dès l’arrivée, tous sont habillés avec des vêtements de soldats italiens, réconfortés et couchés. Le 21, toute la population, archevêque et autorités en tête, accompagnaient au cimetière les corps de quatre marins décédés. Ces obsèques furent l’occasion d’une imposante manifestation d’amitié franco-italienne.
Quatre groisillons ont disparus dans ce naufrage. Ce sont :
Hervé GOUÉRÉ
François Marie ROBIC
Théodule
VAILLANT
Le 19 mars à 13h15, le DANTON se trouvait à 28 milles dans sud-ouest de l'île de San-Pietro faisant route à 14,5 noeuds au S.40 E. avec crochets sur la gauche de la route. Le Massue faisait une route rectiligne à 1500 mètres sur son avant. La météo indique une petite brise d’O.N.O., une mer clapoteuse, des lames de 1 mètre, ce sont des conditions favorables à une attaque de sous-marin.
Le DANTON a été attaqué sans avoir vu de périscope. C’est la hune qui donna l’alarme au vu d’un sillage dont l’origine était proche, 300 à 600 mètres, au dire des témoins. L’alerte fut ordonnée de la passerelle, le canon de 47 bâbord de la tourelle avant tira un coup de canon dans la direction du sillage et ne continua pas le feu, ne voyant pas de périscope à indiquer aux pièces. Celles-ci ne purent ouvrir le feu faute d’objectif. Le sous-marin U64, commandé par le Lt Cdr Robert Moraht, lui expédia une salve de torpilles. Le bâtiment fut frappé coup sur coup de 2 torpilles, à l’avant et au centre. Il s’inclina de 5 à 7° sur bâbord en plongeant de l’avant et resta dans cette position.
Le sous-marin venu en surface fut grenadé par le "Massue", mais s'échappa.
Au premier moment, on ne sut qu’une chose: les torpilles avaient explosées sur l’avant de la tourelle de 30 avant et par le travers des chaufferies avant, soulevant des gerbes d’eau qui retombaient sur la passerelle et vers la cheminée. On n’a vu qu’un seul sillage: c’est donc que les 2 torpilles se suivaient sur une même trajectoire. Il faut en conclure que l’intervalle entre les deux explosions a été de 4 à 5 secondes, l’écartement des points d’impact étant d’environ 30 m et la vitesse du bâtiment de 7 m par seconde. Il y eut à la seconde explosion extinction presque générale de la lumière dans la partie avant du bâtiment et dans les machines, due au bris du conducteur et à des courts-circuits car les dynamos continuaient à tourner. Dans les machines, la pression baissa, mais au bout de quelques instants seulement. La chaufferie 2 fut rapidement envahie par l’eau qui se déversait par la porte de la soute à charbon. On put l’évacuer en hâte. Partout ailleurs, le personnel de service resta à son poste, les armements des pièces prêts à ouvrir le feu, les chauffeurs activant la chauffe, les mécaniciens surveillant les appareils. On doit une mention spéciale aux équipes de chauffe et de machines qui, sous la direction des officiers et des officiers-mariniers uniquement préoccupés de faire leur devoir, restèrent à leur poste, ou reçurent l’ordre d’évacuer, ne quittant leur poste qu’après avoir effectué les manoeuvres nécessaires. Comme le "Massue" qui avait rebroussé chemin tirait du canon et lançait des grenades, quelques-uns crurent que le sous-marin était coulé. On cria « Hourrah ! », on était vengé. Un ordre parfait régna jusqu’à la fin. L’équipage fut envoyé aux postes de combat. Cet ordre ne fut que partiellement exécuté. On ne pouvait arriver dans les fonds dans la partie avant, les officiers renvoyèrent les hommes sur le pont.
l'agonie du Danton en 3 images, les seules existantes
les disparus du quartier de Brest, la "Dépêche de Brest" du 1 avril 1917
Ouest éclair du 24 mars 1917
l'une des 296 victimes
Le rapport de patrouille du sous-marin U 64 du 10 au 27 mars
Type Mittel U - Sous-type U63
Le sous-marin U 64 avait appareillé de Cattaro le 10 mars pour une patrouille en mer Tyrrhénienne et à l'ouest de la Sardaigne.Dès le 12, il avait sabordé le Nina M, un voilier italien. Le 16, le long de la côte italienne, au Sud de Naples, c'était le vapeur Catania (Italie) qu'une torpille envoyait par le fond. Le lendemain, il manquait un vapeur armé d'une torpille, faisait surface et l'engageait dans un duel au canon sans parvenir à l'arrêter. Ce même jour dans la soirée, au Nord de la Sicile, il coulait au canon le vapeur Tripoli (Italie).
Le 19 mars à midi, l’U 64 croisait dans les parages de l’extrémité sud-ouest de la Sardaigne. Il faisait un temps favorable pour une attaque, ciel en partie
bleu, air un peu brumeux, vent de NW force 4, de belles crêtes d'écume blanche sur une mer d’un bleu profond. A 13.37 h. sur l’avant bâbord, la silhouette d’un navire apparaissait à une distance
d’environ 100 Mm. Ce navire était immédiatement reconnu comme étant un grand bâtiment de guerre. Habituellement la visibilité est plus grande en Méditerranée et le plus souvent on voit d’abord
les pointes des mâts et on peut observer longtemps les mouvements de l'adversaire pour améliorer sa position sur l'eau. Cette fois, rien de tout cela n'était possible. Le bateau était si près
qu’il fallait aussitôt prendre la plongée. La première observation après l'immersion montrait que l'adversaire virait de 6 à 8 divisions de compas. On ne supposait pas que le sous-marin avait été
découvert ; le changement de route faisait plutôt penser au contraire à une route en zigzag systématique. L’U 64 gardait son cap et tentait de se rapprocher le plus possible. Malgré tout
l'adversaire pendant les dix minutes suivantes s’éloignait sensiblement sur l’avant et semblait devoir passer hors de portée. Vers 13.50 h. était en vue un destroyer qui marchait devant le
vaisseau de ligne faisant route en zigzag comme l’escorté sous sa protection. A 13.55 h. l'adversaire virait de nouveau vers l’U 64 qui aussitôt effectuait une série de visées en limitant le plus
possible les sorties du périscope et s’apprêtait à tirer deux torpilles par les tubes d’étrave. Le tube tribord était chargé avec une 450 mm, le tube bâbord avec une 500 mm. utilisée pour les
vapeurs. suite >>>>
(Suite)
Immersion des torpilles réglée à 2,5 m. comme pour l’attaque des navires de commerce. Le destroyer se trouvait environ 10 Mm devant le vaisseau de ligne. Il se rapprochait jusqu’à 6 Hm sans voir l’U 64. Le vaisseau de ligne lui-même se rapprochait également, réduisant la distance au sous-marin qui devait veiller à réduire le sillage de son périscope.A 14.05 h. lancé à 250 m. de distance. Les deux torpilles faisaient but comme visé, à environ 40 m. l'une de l'autre, la première approximativement sous la passerelle, la deuxième au centre du navire. A la première observation par le périscope peu après les coups au but, l’U 64 se trouvait à bâbord et tout près derrière la poupe du bateau torpillé. Celui-ci donnait déjà une forte bande sur bâbord et donnait l’impression qu’il ne flotterait plus longtemps. Malgré tout, le Kplt Morath se maintenait de nouveau aux abords de celui-ci pour lui décocher encore une torpille en cas de besoin. Avant que le sous-marin ne soit à portée tout près, le bateau chavirait sur bâbord, la poupe s'élevant encore quelques minutes hors de l'eau, présentant son gouvernail haut dans l'air. A 14.55 h. il s’enfonçait par l’avantd ans les profondeurs au point 38.49N - 08.11E. Le 21 mars à 1 heure du matin, comme l’U 64 repassait sur les lieux du torpillage, quelques épaves repêchées permettaient d’identifier le navire torpillé comme étant le cuirassé DANTON.
A partir du 23, l'U 64 prenait la route du retour, coulant encore le vapeur armé anglais Eptalofos dont il faisait 8 prisonniers, puis un autre anglais, le vapeur Berberia et pour finir le voilier italien Immacolata. Il rentrait à Cattaro le 27 avec un tonnage coulé de 31 165 tonnes.